Flaubert, Madame Bovary
Ah, tellement de choses à dire sur ce roman. Mais tellement ! Même si ce ne sera pas aussi profond que ce que je devrai faire dans ma dissertation pour avril, je me suis totalement fait piéger dans le bovarysme et j’ai besoin d’expulser tout ce que j’ai ressenti/pensé/compris durant ma lecture.
Résumé : Une jeune femme romanesque qui s'était construit un monde romantiquement rêvé tente d'échapper - dans un vertige grandissant - à l'ennui de sa province, la médiocrité de son mariage et la platitude de sa vie. Mais quand Flaubert publie Madame Bovary, en 1857, toute la nouveauté du roman réside dans le contraste entre un art si hautement accompli et la peinture d'un univers si ordinaire. L'écriture transfigure la vie, mais s'y adapte si étroitement qu'elle la fait naître sous nos yeux.
Pour commencer, je voudrais parler de certaines choses que j’ai pu lire/entendre à propos d’Emma Bovary, comme quoi elle représentait l’archétype du personnage romantique. A cela, j’ai envie de répondre : pas vraiment. Pas vraiment parce que ce roman est à la charnière entre réalisme et romantisme, mais penche plus vers le réalisme à mes yeux. Si romantisme il y a, il est vite détourné par l’ironie flamboyante d’un Flaubert qui suit les définitions de son Dictionnaire.
L’histoire de Madame Bovary, c’est justement l’histoire d’une femme qui voudrait être un personnage romantique – comme dans les livres qu’elle dévore – mais qui n’atteint jamais ce rôle. Emma s’enferme dans ses romans, elle se bloque face à la réalité et ne sait pas faire la part des choses. Pourquoi trompe-t-elle Charles ? Parce qu’elle désire se rapprocher de ses livres, fuir son ennui, faire comme les personnages qu’elle admire, être une héroïne à son tour. Mais Flaubert souligne bien le fait que dans la vie, ça ne se passe pas comme cela. Emma est entourée de personnes comme on en trouve dans la réalité. Rodolphe, c’est un homme à femmes, Léon est peut-être plus proche de ce qu’elle recherche, mais finalement, il se comporte comme n’importe qui à la fin du roman et la laisse tomber dans sa détresse. Et surtout, une fois qu’elle s’est suicidée, il me semble me souvenir d’une phrase de Flaubert qui précise que ses deux amants, eux, ils dorment sur leurs deux oreilles pendant qu’elle agonise et rend l’âme. On est vraiment loin de la passion amoureuse et des sentiments brûlants qui désespèrent Emma.
De plus, l’absence presque entière du narrateur nous éloigne d’autant plus du statut « romantique » que pourrait avoir l’œuvre. Flaubert ne s’exprime pas dans le roman, on a toujours le point de vue d’un personnage, c’est à travers les yeux de ce-dernier qu’on découvre les paysages, les états d’âme… etc. Il n’y a pas d’expression du « je » romantique. Si Flaubert est quelque part dans le roman, il faut surtout le chercher dans l’ironie, ou encore, dans la scène de l’enterrement d’Emma, lorsqu’on suit les sentiments de Charles. Et puis, les descriptions longues, précises, avec un vocabulaire très technique appartiennent surtout au mouvement réaliste.
Après, je ne dis pas qu’il est impossible d’associer Emma au romantisme, non. Mais Emma est surtout un personnage négatif. Son désir d’être une héroïne de roman, cela la fait devenir totalement aigrie, méprisante, malhonnête et suicidaire (sauf qu’elle ne meurt pas vraiment de façon tragique, mais plutôt de façon abominable et dans la souffrance, ce qui son acte, je trouve, ridicule, même si le mot est fort). Elle ne sait pas se confronter à la réalité, et est forcément déçue par son quotidien. Une grande partie du roman se veut même très drôle, lorsque, par exemple, Rodolphe cherche à séduire Emma, on pourrait se croire dans une scène sublime, mais la description de la campagne qui va avec, des villageois ou tout simplement la manière qu’a Rodolphe de convoiter Emma, c’est anti-romantique (on m’approche comme ça, j’explose de rire). Mêler la boue, le fumier aux scènes d’amour, c’est quand même pas mal comme parodie. En fait, Emma n’est juste pas née dans la bonne société, et on s’en rend compte dès le début du roman. Ca la ronge totalement, au point de faire des folies avec l’argent et d’être finalement rattraper par la réalité dans les derniers chapitres.
Ce roman est une perle rare. Il est tellement à cheval entre réalisme et romantisme que ça en devient, je pense, régulièrement paradoxal. Pour l’heure, je ne suis encore qu’un petit padawan face à cette lecture et je me rends compte de sa complexité en rédigeant cet article. A chaque fois que je veux classer Madame Bovary quelque part, mon cerveau trouve un grand « mais » qui lui-même se fait persécuter par un autre « mais ». Cette œuvre est indéfinissable et j’ai hâte d’avoir mon cours magistral dessus ! (en mars, normalement).
Donc, d’un point de vue purement subjectif : j’ai adoré le roman, détesté Emma (excepté à la fin, parce qu’on se dit que, quand même, elle a eu une vie de merde). Charles, par contre, m’a énormément interpellée, surtout dans sa détresse finale et dans la scène où il est confronté à Rodolphe, tout à la fin, et… je ne veux pas spoiler, mais wahou. Madame Bovary est plus qu’un chef-d’œuvre, c’est de la grandeur compressée dans 500 pages.