Paul Auster, Le Voyage d'Anna Blume

Publié le par Grazyel

[critique écrite le 16 octobre 2009]

Le Voyage d'Anna Blume
fait parti de mes lectures pour la fac. Honnêtement, quand je l'avais vu dans la liste, j'ai été fort surprise. J'avais déjà entendu parlé de Paul Auster, je me souviens avoir voulu m'acheter un de ces livres en VO, moi, alors que je n'ai pas un niveau franchement bon en anglais, je suis même plutôt médiocre, hormis en compréhension, et c'est d'ailleurs sur ce dernier point que j'avais misé. Seulement, je ne l'ai pas acheté, manque d'argent ou d'intelligence, je n'en sais strictement rien, le fait est que je me suis plutôt payer des bouquins en VF. Bref, tout ça pour dire que Paul Auster était sur ma liste de cibles (ouai ouai, je cible mes lectures comme des proies pour rassasier mes besoins) et que j'ai été plus que contente de le découvrir dans mon programme du premier semestre.
Alors, je l'ai lu, je l'ai aimé. Mais encore ?

Résumé : In the Country of Last Things est le titre original du Voyage d'Anna Blume. De ce "pays des choses dernières" où elle tente de survivre au froid et au désespoir, Anna Blume - venue chercher son frère disparu - écrit une longue lettre dont on ne sait si elle trouvera jamais son destinataire : ses errances dans une ville aux rues éventrées, sa lutte pour subsister parmi les "chasseurs d'objets" et les "ramasseurs d'ordures", la mort omniprésente, la difficulté de vivre des amours durables... revêtent ici une force symbolique d'une actualité étonnante. Et cette lettre, en même temps qu'elle éveille en lui un passé de terreurs et d'apocalypse, interroge insidieusement le lecteur sur son rapport au monde et au langage.

Bon, honnêtement, quand j'ai eu le livre, je ne me suis pas intéressée à la quatrième de couverture (j'ai commencé le livre, c'est tout, en principe, je n'aime pas me spoiler avec ce genre de résumé, je les lis uniquement quand je suis dans un magasin pour savoir si je dépense ou non, bref), pourtant, elle dit des choses très vraies, notamment sur la symbolique et sur les questions que le lecteur se pose durant et suite à la lecture. Franchement, mon interprétation personnelle jette ces premiers mots : glauque dans son réalisme exagéré. J'ai été absorbé du début à la fin, peut-être pas avec passion parce que j'avais parfois envie de détourner les yeux de mon imagination qui voulait vomir, non pas qu'il y avait vraiment des images difficiles à supporter, mais la psychologie humaine y est tellement détruite qu'elle nous atteint cash en pleine poitrine. Et ça soulève des questions et des questions, bien sûr ! Alors bon, je ne pouvais pas lire d'un coup cette histoire - surtout que je suis en pleine reconstruction souriante sur la vie pour améliorer mon fatalisme et mon pessimisme naturel. Anna Blume fait du dégât dans les méninges d'une nanar qui essaie de moins souhaiter l'holocauste de l'humanité plutôt que la paix universelle !! (Mort de rire).
Pour en revenir plus concrètement à l'oeuvre, elle provoque un joli séisme de la pensée. Le Voyage d'Anna Blume est effrayant mais à la fois bourré d'émotions contradictoires. L'amour durant la terreur, l'espoir pendant la fin. Bref, à chaque fois, les personnages dont on suit le plus leur itinéraire sont plus humains que le reste de la population. Comme quoi, même cloîtré sur une île imaginaire où la mort est plus qu'omniprésente, on parvient encore à garder la tête haute et tenir bon - pour une minorité, seulement. Cependant, je crois avoir été plus bouleversé par la vie des habitants, leur système exagéré et pourtant si limpide, que par le chemin que s'offre Anna à travers les déluges. Même s'il on trouve les hommes infectent, on ne peut que comprendre les sectes, les Coureurs, les Sauteurs... etc.
Par contre, le personnage qui m'a le plus saisi est Sam, alors lui, lorsqu'on est une personne qui écrit, on comprend parfaitement de quelle manière le fait d'écrire son livre peut l'avoir aidé à survivre. Je pense, bizarrement, que l'auteur a mit beaucoup de lui dans ce personnage, qu'il a expliqué à travers lui ce qu'il aurait fait pour s'accrocher dans ce monde destructeur. Bien sûr, je me dis peut-être ça parce qu'à défaut de m'être vraiment appropriée Anna, je me suis mieux sentie dans les chaussures de Sam (et pour cause, quand on pense à ce qu'Anna a vécu pour une simple paire de chaussures...).

Je crois que je pourrais passer des heures à parler d'Anna Blume et de son histoire. Ce livre m'a apporté quelque chose à l'intérieur, je ne saurai pas encore dire quoi, mais une graine s'est plantée et j'attends avec impatience qu'elle germe.
Par contre, lorsqu'on décide de se lancer dans ce livre, il vaut mieux se préparer à affronter un roman plus psychologique qu'une simple histoire. Bien sûr, en disant cela, je sais pertinemment au fond de moi que n'importe quel livre a une force psychologique, mais dans Anna Blume, c'est vraiment une chose mise en avant. Déjà, la forme du roman en lui-même est assez étonnante, c'est une lettre qu'on nous raconte, nous ne la lisons pas, elle nous est rapporté par quelqu'un, mais qui ?
Les énigmes du roman ne sont jamais résolues, en un sens, le final a une forme de jeu de rôle. On en déduit notre solution. Quelque part, et c'est pourquoi je dis que ce livre est grandement psychologique, Anna Blume, c'est nous, et c'est à nous seulement de décider si on parviendra à aller jusqu'au bout où s'il on sautera d'en haut pour s'éclater au sol sous des applaudissement qu'on ne percevra même plus. Parce qu'après tout, quand on meurt, nous sommes honorés une unique et dernière fois et sans doute de la plus belle manière qui soit, mais il est déjà trop tard pour l'entendre, cette éloge. Alors que lorsqu'on va au bout de sa vie en cherchant à avancer un objectif qui nous survivra, là, on a gagné. On saute tous un jour ou l'autre, mais avec plus ou moins d'impact sur le monde.
Alors c'est à nous de découvrir si Anna a guéri ses maux ou non.

Voilà comment j'interprète ce livre. Si c'est la conclusion que tout le monde en tire, tant mieux, si je suis la seule à voir les choses ainsi, je m'en contre-fou parce qu'en lisant cette histoire comme cela, je me suis apportée une chose que personne n'aura : l'envie de jamais être médiocre pour moi-même.
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